Incarnation de l’avidité de Ferdinand Piëch à pousser VW vers le haut, la VW Phaeton rivalise sans peine avec les Mercedes Classe S et BMW Série 7, sans oublier l’Audi A8, mais son blason populaire l’a privée du succès. Et en occasion, cette berline de grand luxe ne coûte presque rien !
Vous aimez la Bentley Continental GT mais n’avez pas les moyens de vous en offrir une ? Un recours existe, une voiture presque identique techniquement mais beaucoup moins chère : la Volkswagen Phaeton. Quand un des sommets du luxe et l’une des marques les plus essentiellement populaires qui soient se rencontrent !
Cela mérite une explication. À la fin des années 90, après une bataille homérique contre BMW, le groupe Volkswagen finit par racheter Bentley. Ferdinand Piëch, le kaiser de la marque de Wolfsburg et de ses dépendances, veut opérer une montée en gamme générale, à l’image de ce qu’il a fait pour Audi dans les années 70-80. Une fois Bentley repris, que faire ? Créer un nouveau modèle, qui fera du volume grâce à un tarif relativement contenu, eu égard à ses prestations, et pour parvenir à cette fin, il partagera ses composants avec d’autres productions du groupe allemand.
Ça tombe bien car pour sa marque du peuple, Piëch a des ambitions démesurées : il veut la doter d’une berline de luxe, à même de rivaliser avec la référence en la matière : la Mercedes Classe S. Elle aura l’effet d’une locomotive sur le reste de la gamme, qu’on pourra donc vendre plus cher ! Fiat avait usé d’une stratégie similaire avec la 130 au tournant des années 70, mais sans succès. Le grand Ferdinand allait-il réussir ?
Dès 1999, un concept D est exposé au salon de Francfort, une grande bicorps dotée de raffinements impressionnants : moteur V10 TDI, suspension pneumatique pilotée, transmission intégrale… Sa ligne est jugée banale, et pourtant, à Wolfsburg, on s’active au développement du projet VW611 qui en découle.
Piëch stipule que l’auto devra être capable de rouler à 300 km/h toute une journée par une température ambiante de 50 °C tout en maintenant 22 °C dans l’habitacle. Certainement pour plaire aux marchés allemand (vitesse) et américain (chaleur). Pour ce faire, on ne refuse pratiquement aucun luxe technique à la grande VW, qui sera assemblée à Dresde aux côtés d’un autre engin délirant : l’énorme SUV Touareg.
Quand elle sort en mars 2002, la Phaeton reçoit un accueil sceptique. Pas à cause de ses caractéristiques : elle conserve toute la sophistication du Concept D et y ajoute un moteur W12 de 6,0 l et 420 ch, en fait l’assemblage de deux VR6. Mais pour un vaisseau amiral, sa ligne tricorps cette fois, demeure désespérément anonyme. On dirait une grosse Passat, un peu comme la Fiat 130 de 1969 évoquait une 125 hypertrophiée. Les tarifs donnent le tournis : 110 525 € pour la W12, soit près de 140 000 € actuels ! En entrée de gamme, la V6 se limite à 71 650 €, mais ses 241 ch sont bien à la peine car il doit entraîner les deux tonnes du monstre du peuple ! Quant à la W12, dotée de quatre roues motrices, elle atteint 2 300 kg. Amusant quand on voit le poids d’une Audi A8 4,2 l, inférieur de 500 kg… Mais la VW n’a pas droit à la fabrication en aluminium.
Fin 2002, la Phaeton reçoit le V10 TDI de 5,0 l dont profite le Touareg lancé à ce moment : avec 313 ch, c’est le diesel le plus puissant du monde. Malheureusement, alors que son outil industriel est calibré pour 20 000 unités par an, la Phaeton se vend très mal : ce chiffre ne sera atteint qu’au bout de quatre ans. Pourtant, elle propose un équipement incroyable : projecteurs au xénon, cuir, clim auto bizone, hifi, GPS, sièges chauffants… La W12 ajoute une fonction massage à ces derniers, une clim à réglages séparés à l’arrière, un pare-soleil électrique sur la lunette arrière, un téléphone fixe, un coffre à fermeture assistée… Fin 2003, une version allongée de 12 cm est proposée, tandis qu’un V8 4,2 l de 335 ch s’ajoute à la gamme, suivi d’un V6 TDI en 2004 (225 ch).
Rien n’y fait, les ventes stagnent, ce qui n’empêche pas un restylage d’intervenir en 2007. Les évolutions cosmétiques demeurent minces, mais le W12 pointe à 450 ch, le V6 TDI à 240 ch tandis que le V10 passe à la trappe. En 2010, une autre mise à jour intervient, plus nette puisque la calandre est redessinée. L’offre s’enrichit d’un V6 3,6 l de 280 ch, remplaçant le 3,2 l, mais la grande VW ne parvient guère qu’à vivoter. Elle subsistera au catalogue jusqu’en 2016, sans être remplacée, du moins en Europe. 84 253 unités ont été produites, ce qui reste modeste vu la durée de commercialisation et les marchés importants où elle a été proposée. En Chine par exemple, où sa carrière commerciale a été correcte. Elle y a une descendance : la Phideon, sur base Audi.
Combien ça coûte ?
La Phaeton propose en occasion un rapport luxe/technologie/prix incroyable. À 4 500 €, on s’offre une V6 3,2 l ou une V10 TDI en bon état, même si elles dépassent les 200 000 km. À 5 500 €, on accède à une V6 TDI, tandis que les V8 et W12 exigent un minimum de 8 000 €. Pour les phases II, il faut ajouter de 500 à 1 000 € à condition équivalente, mais les exemplaires peu kilométrés voient leur prix grimper. Par exemple, comptez 9 000 € pour une V6 TDI de moins de 150 000 km, ce moteur équipant la très grande majorité des Phaeton vendues en France depuis qu’il a été ajouté. Les phases III ne s’étant vendues qu’au compte-gouttes chez nous (moins de 10 par an), elles sont quasi-introuvables, les plus chères frôlant les 20 000 € si elles ont un maximum d’options et un faible kilométrage.
Quelle version choisir ?
Vu le poids de la bête, on prendra bien plus de plaisir avec les moteurs V8 et W12. Si on souhaite abattre du kilomètre, le V6 TDI est bon choix, même si ses performances sont très moyennes. Les V6 essence ne présentent que peu d’intérêt, car ni frugaux ni vigoureux, alors que le V10 TDI pose de trop de soucis pour être recommandable.
Les versions collector
Ce seront les W12 longues en phase III, dotées de tous les extras possibles, en parfait état et à faible kilométrage. Autant dire qu’il n’y en a pas, du moins en France.
Que surveiller ?
La Phaeton pâtit de cette formule maléfique : grande sophistication/âge avancé/prix bas. En clair, son entretien coûte cher, trop en tout cas pour un certain nombre de propriétaires. Elles sont très bien fabriquées, mais leur complexité donne le tournis : certaines versions ont deux batteries, nécessitant d’être changées ensemble puis de reprogrammer la voiture. Ces autos sont assemblées à la main par des techniciens qualifiés pour ne jamais produire de bruit parasite, donc le moindre démontage, y compris un panneau de porte, demande du temps et de la patience. Et changer une ampoule de phare impose de déposer le bouclier avant… La Phaeton compte aussi un moteur par essuie-glace : si l’un tombe en panne, les balais s’entrechoquent et causent des dégâts.
Mécaniquement, le V8 est le seul moteur de la gamme doté d’une courroie de distribution : son remplacement n’est pas si onéreux, puisque l’auto a été pensée en conséquence. En revanche, si les autres blocs connaissent un souci de guide de chaîne de distribution, il faudra les sortir de la voiture, et là, bonjour la facture !
Pour sa part, le V10 TDI a connu beaucoup de soucis de turbos, ainsi que d’injecteurs pompes, ce qui entraîne des factures énormes.
Enfin, jusque sur les exemplaires fabriqués en 2006, la suspension pneumatique a connu des avaries, là encore très onéreuses à résoudre.
Cela dit, dans l’ensemble, et malgré des pépins électroniques inévitables, la Phaeton semble plus fiable que ses concurrentes germaniques contemporaines.
Au volant
Le gros avantage d’un look aussi tristouille que celui de la Phaeton, c’est qu’il n’attire pas les regards malveillants : on peut donc rouler dans une voiture de luxe sans se faire stigmatiser. Et du luxe, il y en a à foison dans cette VW à moteur W12 ! Rien que les aérateurs méritent le détour : ils sont cachés par des panneaux de bois qui basculent si besoin est. Le cuir de la sellerie est de grande qualité, mais on relève tout de même des plastiques médiocres, comme ceux couvrant le bas des montants latéraux.
Heureusement, le confort des sièges frôle la perfection, l’habitabilité est immense, et la position de conduite impeccable. Le 12-cylindres regorge de douceur et d’onctuosité mais ne produit pas une symphonie mécanique particulière : on l’oublie vite. Ne manquant pas de vigueur, il emmène la VW à près de 270 km/h compteur sur autobahn, vitesse à laquelle elle demeure d’une stabilité étonnante. Mais à partir de 200 km/h, les bruits d’air sont gênants et le freinage faiblard.
Sur route, l’auto se révèle extrêmement sûre et bien équilibrée, sans se montrer trop pataude. Surtout, la suspension offrant un filtrage exceptionnel, le confort est total. Évidemment, si on brusque la VW sur une petite route sinueuse, elle prend du roulis, sous-vire et ne communique absolument pas, même en mode Sport qui durcit les ressorts pneumatiques, mais là n’est pas sa destination. Son truc, ce sont les longs voyages reposants, où elle saura ne pas avaler plus de 14 l/100 km en moyenne.
L’alternative youngtimer
Fiat 130 (1969-1977)
Pour une fois, on change de marque pour cette alternative. En effet, dans l’esprit, celle qui se rapproche le plus de la Phaeton, c’est une italienne : la Fiat 130. Exigée par Agnelli, qui voulait un vaisseau amiral, exactement comme Piëch, elle profite comme la VW à sa sortie d’une plate-forme et de suspensions spécifiques, l’essieu arrière, raffiné, indépendant et bien guidé. Sous le capot, là encore, elle bénéficie d’un élément qui lui est réservé : un V6 à deux arbres à cames en tête actionnés par courroie, qui n’a rien à voir avec celui des Dino. Un 2,8 l de 140 ch allié par défaut à une boîte automatique.
Très moderne techniquement et dotée d’un confort ainsi que de qualités routières remarquables, la 130 se vend pourtant très mal. Elle ressemble à une grosse Fiat 125, coûte aussi cher qu’une Mercedes équivalente sans en offrir le prestige, tandis que sa planche de bord reste simpliste. En 1970, le V6 passe à 160 ch, mais en 1971, la Fiat est largement modifiée. Le moteur grimpe à 3,2 l et 160 ch, un nouveau tableau de bord, richement présenté, apparaît, et une superbe déclinaison coupé, dessinée par Marco Martin chez Pininfarina, complète l’offre. Malheureusement, Fiat ne propose pas la 130 aux US où il était pourtant présent, les ventes stagnent et la grande italienne tire sa révérence en 1977, produite à 15 093 unités en berline et 4 491 en coupé. Destinée semblable à celle de la Phaeton en somme. À partir de 9 000 € en bon état.
VW Phaeton W12 (2007), la fiche technique
- Moteur : 12 cylindres en W, 5 998 cm3
- Alimentation : injection électronique
- Suspension : jambes McPherson, double triangulation, ressorts pneumatiques pilotés, barre antiroulis (AV) ; multibras, ressorts pneumatiques pilotés, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 6 automatique, quatre roues motrices
- Puissance : 450 ch à 6 050 tr/mn
- Couple : 560 Nm à 2 750 tr/mn
- Poids : 2 360 kg
- Vitesse maxi : 250 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 6,1 s (données constructeur)
> Pour trouver des annonces de Volkswagen Phaeton, rendez-vous sur le site de La Centrale.
August 16, 2020 at 04:00PM
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